Qu’est-ce qu’un ouvrage ?

L’ouvrage est primordial en assurance construction, puisque le régime de la responsabilité décennale prévu aux articles 1792 et suivant du Code Civil est conditionné par cette notion. Aussi, selon les techniques de travaux de construction employées, l’ouvrage est caractérisé de « neuf » ou d’«existant ».

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1978, et en dépit des débats à l’Assemblée Nationale et au Sénat, le Droit positif reste muet concernant la définition d’un « ouvrage ». 

Il faut donc se référer à la jurisprudence. Ainsi, la qualification d’ouvrage est retenue lorsqu’il s’agit d’un assemblage à caractère immobilier, c’est-à-dire un assemblage « utilisant des techniques de travaux de bâtiment » [1] , « ancré au sol » [2], « ne pouvant alors pas être déplacé ni transporté »[3] et comportant notamment la réalisation de « gros œuvre, de viabilité, de fondation, d’ossature »[4] et de « clos et couvert »[5].

A titre d’exemple, sont considérés comme des ouvrages immobiliers : une véranda, si et seulement si elle est « édifiée sur un balcon et qu’elle comporte des parties fixes »[6], ou encore un bungalow, « dès lors qu’il est fixé sur des plots et longrines en béton par des plaques de fer qui ne peuvent pas être déplacées »[7]. A l’inverse, « une maison mobile »[8] ou « un abri de piscine »[9] ne sont pas constitutifs d’un ouvrage immobilier, car ils sont simplement posés au sol et non rattachés. Également, le réaménagement d’un immeuble était considéré constitutif d’ouvrage au regard de l’importance des travaux et de l’immobilisation.

C’est pourquoi, à défaut d’une définition légale et claire, est considéré comme un « ouvrage neuf » : tous les ouvrages hormis ceux qui ne sont pas soumis à une obligation d’assurance conformément à l’exclusion absolue prévue à l’article L243-1-1 alinéa 1 du Code des assurances qui prévoit que

« Les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héli portuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d’effluents ainsi que les éléments d’équipement de l’un ou de l’autre de ces ouvrages  ».

Ou d’une exclusion relative en vertu de l’alinéa 2

« Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d’énergie, les ouvrages de stockage et de traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, les ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs éléments d’équipement de l’un ou de l’autre de ces ouvrages » À condition qu’il ne soit pas admis comme « accessoire » à un ouvrage soumis.

Cependant la jurisprudence adopte une approche extensive en réintégrant des ouvrages non soumis dans le domaine de l’assurance obligatoire. À titre d’illustration, une piscine découverte faisant partie d’un ouvrages couverts[10] ; les câbles des ascenseurs de la Tour Eiffel[11] ; une éolienne privative implantée sur le terrain où se trouve la maison qui bénéficie de l’énergie[12] ou encore une cuve de récupération des eaux de pluie dès lors qu’elle fait partie du réseau d’évacuation des eaux pluviales[13].

En définitive, les caractéristiques de l’ « accessoire » d’un ouvrage soumis reposent sur un critère physique ou téléologique. Néanmoins, cette qualification est rejetée lorsque l’ouvrage est un ouvrage non soumis[14], qu’il s’agit de la viabilisation d’un lotissement (sauf pour les parcelles privatives)[15], ou en cas de défaut de concomitance des travaux de construction de l’ouvrage soumis et de l’accessoire

In fine, L’importance de déterminer si un ouvrage est soumis ou non, réside dans l’obligation d’assurance qui porte uniquement sur les ouvrages soumis.

De ce fait, en présence d’un ouvrage soumis tous les intervenants à l’acte de construire conformément à l’article 1792-1 du Code Civil y compris les réalisateurs, concepteurs, vendeurs d’immeuble d’un ouvrage soumis ont l’obligation de souscrire une assurance de responsabilité décennale.

Le maitre d’ouvrage doit également souscrire une assurance dommages ouvrage.


[1] Cour de cassation, 3ème chambre civile, 16 juin 1993, n°91-21226

[2] Cour de cassation, 3ème chambre civile, 04 avril 2019 n°18-11021

[3] Cour de cassation, 3ème chambre civile, 28 janvier 2003 n°01-13358

[4] Cour de cassation, 1ère chambre civile, 02 mars 1999

[5] Cour de cassation, 3ème chambre civile, 04 octobre 1989 n° 88-11962

[6] Cour de cassation, 3ème chambre civile, 04octobre 1989 n° 88-11962

[7] Cour de cassation, 3ème chambre civile, 28 janvier 2003 n°01-13358

[8] Cour de cassation, 3ème chambre civile, 28 avril 1993

[9] Cour de cassation, 3ème chambre civile, 30 mars 2011

[10] Conseil d’État, 7ème chambre, 26 janvier 2018 n°414337

[11] Cour d’Appel Paris, 5ème chambre , le 9 mai 2018 n°17/03243

[12] Cour d’Appel de Limoges, 15 avril 2014, n°12/01491

[13] Cour d’Appel Grenoble, 2ème chambre, 10 septembre 2019 ,°15/04267

[14] Cour d’Appel Douai, 1ère chambre, 1er décembre 2016 n°14/06917

[15] Cour d’Appel, Toulouse, 1ère chambre, 27 mai 2019 n°16/06202

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