L’activité déclarée en assurance construction

Lors de la souscription d’un contrat d’assurance, il est nécessaire de préciser de façon claire et non équivoque l’activité de l’entreprise constructeur. En effet, ce prérequis apparaît important en raison des conséquences qui en découlent tout au long de la vie du contrat et notamment lorsque survient un sinistre.

Pour rappel, la loi du 4 janvier 1978 instaure un système d’assurance obligatoire à « double détente ». En ce sens, cette obligation d’assurance repose non seulement sur une assurance dommage ouvrage liée au maître de l’ouvrage et régit par l’article L.242-1 du Code des assurances, mais aussi sur une assurance de responsabilité décennale liée aux constructeurs conformément à l’article L.241-1 dudit Code.

Ainsi, le maître de l’ouvrage et les acteurs de la construction doivent s’acquitter de cette formalité avant l’ouverture de tout chantier, et doivent justifier la souscription de cette police d’assurance. Par cette affirmation, il est nécessaire de comprendre que derrière chaque lot réceptionné (VRD, plomberie, gros œuvre…) les intervenants à l’acte de construire, doivent délivrer une attestation de responsabilité décennale au maître de l’ouvrage avant tout chantier.

L’activité déclarée par les intervenants à l’acte de construire

Au visa de l’article 1792 du code civil,  tous les intervenants à l’acte de construire peuvent engager leurs responsabilités en cas de malfaçons, c’est pourquoi ils leurs incombent de souscrire une police d’assurance. Toutefois, le débat demeure quant aux activités déclarées.

En effet, il est de jurisprudence constante qu’en cas de sinistre les assureurs couvrent seulement les travaux déclarés par l’assuré souscripteur, dans la limite de l’activité qui a été préalablement renseignée à la souscription et notifiée par l’assureur dans la police[1].

Ainsi, si les modalités d’exécution de l’activité déclarées ne sont pas respectées alors les compagnies d’assurance ne sont pas tenues de mobiliser leur garantie[2]. Il incombe alors à l’assuré de préciser l’ensemble des activités pratiquaient ainsi que les activités subsidiaires afin d’éviter tout refus de garantie.

Car il est vrai que l’assureur est tenu à une obligation de conseil lors de la souscription d’une police d’assurance, cependant l’obligation d’information quant à elle incombe à l’assuré.

A titre d’illustration, La première chambre civile de la Cour de cassation a admis, par deux arrêts de principe en 1997[3], que les contrats d’assurance de responsabilité civile décennale se limitent uniquement aux activités professionnelles préalablement déclarées par l’assuré.

Néanmoins, la jurisprudence est également claire à ce sujet, l’assureur n’est pas tenu d’enquêter avant souscription sur la déclaration effectuée par l’assuré ni de savoir si cette déclaration d’activité est conforme à la réalité. [4]

Il est donc opportun de vérifier sur chaque contrat et chaque attestation l’activité déclarée.

De surcroît, la clause qui mentionne « l’activité selon un procédé de travaux spécifique », le procédé constitue également l’activité.[5]

A titre d’illustration, une entreprise qui déclare l’activité suivante « aménagement des combles et greniers » et indique dans l’objet du contrat d’assurance un procédé spécifique « harnois »[6], alors en ayant recours à un tel procédé technique cela suppose que l’entreprise assurée détienne des compétences en la matière au jour de la souscription du contrat. De telle sorte qu’en cas de réalisation de travaux, et conformément à la clause contractuelle, le recours au procédé constructif visé constitue également l’activité du contrat et non une simple modalité d’exécution de l’activité.

En définitive, la jurisprudence a restreint l’indemnisation aux travaux exécutés dans les règles de l’art, c’est-à-dire en fonction de la déclaration et des modes de procédés utilisés dans la police souscrite. Ainsi, en cas de désordre décennale relatif à des travaux exécutés par un autre procédé que celui initialement précisé lors de la souscription ,dans une clause claire, précise et circonscrite, alors l’assureur ne peut pas être contraint d’indemniser. A titre d’illustration, une entreprise assurée spécialisée en travaux d’étanchéité ne sera pas couverte si elle utilise un procédé SBS au lieu d’un procédé PARALSON.

Les conséquences pour les maitres de l’ouvrage

Lorsqu’un maître de l’ouvrage qui confie à une entreprise la pose de son carrelage avec treillis soudé, voit apparaître des désordres qui se matérialisent par un affaissement du sol saisie l’assureur, et que ce dernier refuse de prendre en charge les travaux car « les désordres affectent les travaux qui proviennent de la non-réalisation ou de la mauvaise réalisation d’ouvrages non inclus dans l’activité déclarée de revêtement de sols »[7].

Dans cet arrêt, si l’origine des désordres résulte de la réalisation du support, c’est-à-dire l’utilisation des treillis soudé procédé non déclaré, alors la Haute juridiction aurait rendu un arrêt de cassation en affirmant que l’assureur n’était pas tenu d’indemniser les dommages. Cependant, si après une expertise, l’origine des désordres découlaient d’une pose de carrelage non conforme « aux règles de l’art » alors l’assureur doit sa garantie.

C’est pourquoi, lors de la souscription d’un contrat d’assurance dommage ouvrage, il est nécessaire de réunir toutes les attestations de chaque intervenant, de déclarer et vérifier l’activité ainsi que les procédés utilisés par ces derniers.

En outre, la loi du 4 janvier 1978, apporte une  protection efficace au maître de l’ouvrage grâce au mécanisme assurantiel de préfinancement permettant à la fois une réparation rapide et intégrale des désordres. Cette efficacité est notamment possible grâce au principe de responsabilité de plein droit se traduisant par une présomption de responsabilité imputable aux constructeurs dès lors que les désordres sont de nature décennale. Ainsi, la charge de la preuve ne pèse pas sur le maître de l’ouvrage.

Cependant, comme évoqué dans l’arrêt du 16 janvier 2020[8], les désordres ne relèvent pas automatiquement de la garantie décennale, d’autant plus lorsque les malfaçons ont pour origine une activité ou un procédé non déclaré, par conséquent ils ne relèvent pas de la garantie décennale.

Dans ce cas, le maître de l’ouvrage peut néanmoins engager une action en droit commun sur le fondement de la responsabilité contractuelle, mais il perd tous les avantages liés à la loi du 4 janvier 1978 puisqu’il lui incombe d’apporter la preuve de la faute du constructeur.

D’autres cas spécifiques existent, l’exemple des contrats de construction de maison individuelle, il est nécessaire que l’activité déclarée comporte « la construction de maison individuelle », à défaut la garantie décennale ne sera pas mobilisée. Ainsi l’assureur se limite seulement aux activités déclarées.

A titre d’illustration, le constructeur qui souscrit une police d’assurance et déclare comme activité « les travaux techniques courants, plomberie, électricité, couverture, menuiseries, peinture et maçonnerie »[9], lorsqu’un sinistre, si le désordre est relatif à une de ces activités alors il n’y aura aucune difficulté. Cependant, si ce même constructeur abandonne définitivement le chantier, l’assureur peut refuser d’intervenir car la construction de maison individuelle ne figure pas dans les activités déclarées et n’a aucun lien avec l’activité déclarée au contrat.

Aussi, si l’activité déclarée est « construction de maison individuelle avec fourniture de plan » et que le constructeur ne fournit pas de plan, alors l’assureur est en droit de refuser de mobiliser sa garantie.

PRÉCONISATION :

In fine dans le domaine de l’assurance construction, l’obtention de l’attestation d’assurance de chaque intervenant avant tout chantier est très importante.

En effet, les attestations permettent à la fois de prouver la souscription des contrats d’assurance, l’étendue de la garantie décennale, les informations relatives à la compagnie d’assurance, les activités principales déclarées et l’annexe précisant les activités pouvant être tolérées ou assimilées.

Au regard de la sévérité de la jurisprudence sur les activités ou procédés déclarés, les intervenants à l’acte de construire et le maître de l’ouvrage ne doivent donc pas négliger cette formalité. En effet, la jurisprudence est stricte sur le sujet des activités déclarées depuis 1997, les compagnies d’assurance délivrent leur garantie mais ne vont pas au-delà du secteur ou du procédé déclaré. Charge au maître de l’ouvrage d’être vigilant.

Il est donc nécessaire que les maîtres d’ouvrage redoublent de vigilance quant aux attestations d’assurance que délivrent les intervenants à l’acte de construire, il est alors préconisé de vérifier l’activité et le procédé déclaré afin d’assurer un meilleur suivi du chantier.


[1] Cour de cassation 3ème chambre civile, 23 juin 2004 n°02-12257

[2] Cour de cassation 3ème chambre civile, 8 novembre 2018 n°17-24.488

[3] Cour de cassation 1ère chambre civile 29 avril 1997 n°95-10187 et 28 octobre 1997 n°95-19416

[4] Cour de cassation 3ème chambre civile, 14 sept. 2017, n°16-19626

[5] Cour de cassation 3ème chambre civile, 16 janvier 2020, n°18-22108

[6] Cour de cassation 3ème chambre civile, 16 janvier 2020, n°18-22108

[7] Cour de cassation 3ème chambre civile, 9 juillet 2020

[8] Cour de cassation 3ème chambre civile, 16 janvier 2020, n°18-22108

[9] Cour de cassation 3ème chambre civile, 18 octobre 2018

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